Donner comme on l’a décidé

« Que chacun donne comme il l’a décidé dans son cœur, sans regret ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Corinthiens 9.7).

En encourageant l’église de Corinthe à participer au don spécial pour l’église de Jérusalem, l’apôtre Paul emploie l’expression « donner comme il l’a décidé dans son cœur ». Ellen G. White a emprunté cette expression de Paul pour adresser la recommandation suivante au peuple de Dieu de notre temps : « Chacun doit être son propre répartiteur et donner selon ce qu’il a résolu en son cœur » (Témoignages pour l’Église, vol. 1, p. 631). Ces paroles de l’apôtre Paul et d’Ellen White ont mené à quelques applications intéressantes :

  • « Il n’existe pas de claires instructions divines sur la nécessité de donner. »
  • « Dieu ne donne aucune instruction précise sur le pourcentage alloué à la dîme. »
  • « La dîme peut être calculée sur n’importe quelle portion d’un revenu (brut, net ou autre) qu’on considère comme appropriée. »

Ces applications insistent sur la liberté totale de l’homme dans le domaine des offrandes. À travers un examen du chapitre 100, « Le caractère sacré des vœux », dans Témoignages pour l’Église, vol. 1, p. 623–637, cet article évalue si ces trois conclusions sont conformes à la signification de l’expression « donner comme il l’a décidé dans son cœur », et quel devrait être le sens approprié de cette expression.

« Aucune instruction divine sur les dons »

En contraste avec la conclusion « aucune instruction divine sur les dons », ce chapitre nous présente un Dieu qui veut que Ses enfants donnent. Ellen White emploie le mot « droits » pas moins de dix fois pour désigner l’attente de Dieu concernant les dons. Dans un certain cas, elle associe même le mot « droits » à « impérieux » : « Si un chrétien possède une certaine fortune, Dieu a des droits impérieux sur lui. Il doit non seulement donner la dîme, mais faire des offrandes [pour le péché et d’action de grâces] » (ibid., p. 625. Le texte entre crochets ne figure pas dans la traduction française). Dieu ne garde pas le silence sur le besoin qu’ont Ses enfants de donner. Un autre passage exprime clairement la pensée de Dieu sur l’obligation qu’ont tous Ses enfants de donner, quelle que soit leur source de revenu : « Lorsque des hommes d’affaires, des propriétaires, des artisans, des marchands, des hommes de loi, etc., deviennent membres de l’église, ils deviennent également serviteurs du Christ ; et bien que leurs talents soient tout à fait différents, leur responsabilité pour faire avancer la cause de Dieu par un travail personnel et par leur argent n’est pas moins grande que celle du prédicateur » (ibid., p. 630, 631). Donner est la responsabilité des rachetés.

« Aucune instruction sur le pourcentage à allouer à la dîme »

Il apparaît clairement à la lecture de ce chapitre que Dieu a prévu la manière dont Ses enfants doivent donner. Commentant l’expérience du vœu du patriarche Jacob, Ellen White cite ce passage de Genèse 28.22 : « Je te donnerai la dîme [un dixième] de tout ce que tu me donneras » (ibid., p. 626). Jacob voulait-il parler d’un dixième symbolique désignant n’importe quelle somme ? La description de l’accomplissement du vœu de Jacob apporte davantage de clarté : « Jacob donna la dîme de tout ce qu’il possédait. Puis il calcula l’intérêt de la dîme et remit au Seigneur ce qu’il avait employé pour lui pendant le temps qu’il avait passé en pays idolâtre et ne pouvait accomplir son vœu » (ibid., p. 628). La dîme n’était pas n’importe quelle proportion des revenus de Jacob ; elle représentait le dixième.

L’auteur emploie une expression souvent employée dans les milieux adventistes : la « générosité [ou libéralité] systématique », pour commenter ce que Dieu veut que Ses enfants donnent : « Dieu, le Créateur de l’homme, en instituant ce plan de libéralité systématique, a donné à chacun sa tâche, selon ses capacités » (ibid., p. 631). La générosité systématique inclut une dîme de 10% et une proportion des revenus comme offrandes. Ellen White emploie aussi l’expression « système de la dîme » pour confirmer l’idée que donner n’est pas censé être un exercice réalisé au hasard à la seule discrétion du donateur.

« La dîme correspond à 10% de n’importe quelle portion des revenus »

La citation que nous examinons a souvent été utilisée pour régler la discussion au sujet de la dîme sur les revenus bruts ou nets, ou toute autre portion des revenus. Elle a amené certaines personnes à conclure que ce problème est une question de préférence ou de choix personnel. Cependant, plusieurs passages de ce même chapitre semblent contredire cette conclusion. Par exemple, l’auteur inclut l’expression « de tout » en mentionnant la dîme promise et rendue par Jacob, celui qui accomplit ce vœu.

De plus, Ellen White fournit une application du principe « de tout » pour notre situation actuelle : « De tous nos revenus, nous devons donner la première appropriation à Dieu » (Testimonies for the Church, vol. 4, p. 474 ; cette phrase ne figure pas dans la traduction française). Cette phrase nous apporte deux éléments d’information : 1) Ce que nous donnons à Dieu est calculé sur la totalité de nos revenus ; et 2) La base de calcul est la somme gagnée avant toute autre affectation ou déduction. Ce que perçoit un salarié après avoir payé ses impôts, ses emprunts immobiliers et l’amortissement de ses dettes n’est pas en accord avec cette compréhension des instructions divines.

Un plaidoyer pour la fidélité

Après avoir réfuté les conclusions mentionnées ci-dessus, qui ne sont pas conformes au message contenu dans le chapitre 100 des Témoignages pour l’Église, vol. 1, la citation mérite un nouvel examen. Comment devons-nous comprendre l’exhortation « donner comme il a décidé dans son cœur » ? L’intention principale du chapitre 100 est de faire prendre conscience du problème du caractère sacré des vœux ou engagements. Jacob nous est présenté comme un exemple positif, tandis qu’Ananias et Sapphira nous sont décrits comme des exemples à ne pas suivre. Ils ont escroqué Dieu et fait preuve de tromperie. Leur histoire nous est racontée comme « un avertissement […] donné à tous les chrétiens de cette époque » (Témoignages pour l’Église, p. 624).

L’expression « a décidé dans son cœur », souvent interprétée comme une impulsion, les désirs, plans ou souhaits de n’importe quel être humain, a une signification différente dans ce chapitre. Le contexte de « a décidé dans son cœur » désigne les résolutions prises suite à l’action du Saint-Esprit dans le cœur d’une personne. Relatant l’expérience de Jacob, Ellen White écrit : « Jacob fit ce vœu au moment où la grâce divine restaurait son âme, ayant l’assurance que Dieu ne l’abandonnait pas » (ibid., p. 627). Ananias et Saphira étaient aussi passés par une expérience similaire : « Influencés par l’Esprit de Dieu, ils s’engageaient à offrir au Seigneur certains terrains » (ibid., p. 624). Dans ces cas, les « décisions prises dans le cœur » sont le résultat d’une régénération divine ; elles sont nobles, pures, altruistes et généreuses. L’auteur confirme cette compréhension : « Lorsque les hommes sont touchés par l’Esprit de Dieu, ils sont plus sensibles à ses sollicitations et ils prennent la résolution de renoncer à eux-mêmes et de faire quelque sacrifice pour la cause de Dieu » (ibid., p. 633).

L’action de l’Esprit de Dieu sur nous exige une réponse cohérente. Pour Jacob, c’était de promettre de donner la dîme de tout, en suivant l’exemple donné par son grand-père, Abraham (Genèse14.19, 20). Pour Ananias et Sapphira, encouragés par l’exemple d’autres croyants, c’était de donner le produit intégral de la vente d’une propriété (Actes 4.34–37). De plus, il y a un appel à agir selon les décisions prises sous la conviction du Saint-Esprit : « Dieu exige qu’on s’acquitte fidèlement de ses vœux » (ibid., p. 624). Jacob resta fidèle à sa promesse de donner la dîme : « C’était une somme considérable, mais il n’hésita pas un seul instant. Ce qu’il avait consacré au Seigneur ne lui appartenait plus » (ibid., p. 628). C’est sur ce point que le couple infâme échoua ! Ils finirent par agir contrairement aux « décisions » que Dieu avait mises dans leurs cœurs : « Mais lorsque Ananias et Saphira ne furent plus sous cette influence, l’impression ressentie perdit de sa force. Ils commencèrent alors à raisonner et à se demander s’ils rempliraient leurs engagement » (ibid., p. 624).

Ellen White disait : « Chacun doit être son propre répartiteur » (ibid., p. 631). C’est une invitation à s’examiner soi-même, comme le disent les instructions de l’apôtre Paul aux croyants de Corinthe (2 Corinthiens 13.5). Est-ce que je vis en harmonie avec la conviction que la Parole de Dieu et Son Esprit ont créée en moi, ou me suis-je éloigné(e) de mes résolutions ? Les croyants ont besoin d’entreprendre cet exercice régulièrement et personnellement.

Cette expression implique-t-elle que les agents humains n’ont aucun rôle à jouer pour influencer d’autres personnes dans le domaine des dons ? Ellen White suggère le contraire : « Dieu agit par des instruments humains ; et tous ceux qui réveillent la conscience des hommes, qui les incitent à produire de bonnes œuvres et à s’intéresser réellement à l’avancement du règne de Dieu, ne le feront pas d’eux-mêmes, mais par l’Esprit qui agit en eux. Les vœux faits dans ces circonstances sont sacrés, étant les fruits de l’œuvre du Saint-Esprit » (ibid., p. 636). Par l’exemple que nous donnons et par nos paroles, nous pouvons encourager les autres à « décider dans leur cœur ». Dans la perspective de l’auteur, nous avons la responsabilité de rappeler ceci à nos semblables : « Une église est responsable des engagements de ses membres. Si un frère néglige d’accomplir ses vœux, il faut lui parler avec bonté, mais clairement » (idem).

Après examen de l’expression « donner comme on a décidé dans son cœur », dans le contexte dans lequel celle-ci est employée par Ellen White, nous pouvons conclure avec assurance qu’elle ne suggère pas l’absence d’instructions claires de Dieu sur les dons et la manière de donner. Cette discipline importante de l’art chrétien de donner n’est pas laissée à la discrétion de chacun. Et ce que Dieu m’amène à « décider dans mon cœur » ne peut contredire l’instruction qu’Il a déjà donnée sur les dons. Pour répondre à cet appel, ma responsabilité la plus élevée est d’examiner ma vie personnelle pour confirmer si je demeure fidèle à la lumière reçue et en accord avec ce que j’ai « promis précédemment » (2 Corinthiens 9.5).



Aniel Barbe

Le Pasteur Aniel Barbe est directeur associé des Ministères de la Gestion chrétienne de la vie et rédacteur en chef de Dynamic Steward à la Conférence générale des adventistes du septième jour, Silver Spring, Maryland.