D’un point de vue historique, la Chrétienté a une relation paradoxale avec l’argent et la richesse. D’une part, la Bible déclare clairement que la prospérité est une des récompenses d’une vie juste (plusieurs passages dans Deutéronome et Proverbes, par exemple). D’autre part, nous pouvons trouver plusieurs passages qui mettent en avant la modestie et le sacrifice de soi comme idéals. Pour soutenir ceci, nous avons les Béatitudes (heureux les pauvres, etc.) ou la pite de la veuve (Luc 21 :1-4 ; Marc 12 :41-44). Même dans l’Ancien Testament nous trouvons plusieurs exemples de personnes modestes qui sont élevées à de hautes positions, à la fois en termes spirituel et mondain, comme conséquences de leur humilité et de leur fidélité.

Nous lutterons toujours pour comprendre la relation entre le roi David et son Descendant de Nazareth, Jésus. Même l’Ancien Testament apporte un accent différent sur la prospérité que celui du Nouveau Testament ; le premier met l’accent sur les conquêtes de Dieu ; le dernier souligne les sacrifices d'amour qu’Il nous a démontrés.

Ultimement, ce paradoxe trouve son origine dans l’interface entre le matériel et le spirituel. Comment débordent-ils dans notre réalité vécue ? Une couronne signifie la victoire dans le contexte matériel ; mais la croix, qu’à l’origine, on considérait seulement comme un moyen de mort honteuse et pénible, est parvenue à signifier la même chose spirituellement. Un mur autour de la ville peut signifier une attitude indifférente au monde extérieur ou même une sorte d’arrogance, ou il peut symboliser la protection aimante de Dieu. Si Dieu aime, ceci doit se refléter dans la façon dont nous percevons le matériel. Pourtant cela reste pénible pour nous, humains, de déterminer où commence une réalité et où finit l’autre.

C’est pourquoi Jésus était souvent mal compris quand Il essayait d’aborder ces réalités apparemment paradoxales qui se chevauchent. Jean 6 est un grand exemple. Jésus appliquait des analogies matérielles aux vérités spirituelles. Les Juifs ne comprenaient que le côté matériel ; ils échouaient à saisir les leçons spirituelles. Par conséquent, beaucoup choisirent de ne pas Le suivre (Jean 6 :66).

Examinons une fois de plus ce paradoxe, en comprenant ces réalités qui se chevauchent et en essayant de lui donner du sens.

Pourquoi l’argent compte-t-il ?

Les humains ont été créés pour des relations. Notre existence dépend de la mutualité et de l’échange à plusieurs niveaux. L’argent est un des moyens par lequel nous entrons en relation avec les autres. C’est un système intermédiaire qui organise et facilite nos transferts. C’est plus facile et plus rapide d’échanger un billet qu’un seau de sel. “L’argent est un moyen d’échange,”[1] selon la définition classique. Donc ce n’est ni mauvais ni bon en lui-même. Il dépend de la façon dont nous l’utilisons.

Ainsi, ce qui compte est la façon dont nous percevons et utilisons l’argent. Notre vision est bien plus importante que l’argent lui-même. Notre point de vue détermine ce que l’argent est pour nous, et quelles fonctions il servira dans notre vie et dans nos relations avec les autres.

Quel point de vue la Chrétienté apporte-telle à tout ceci ? Paul a écrit que l’usage convenable de l’argent était de “soutenir les faibles. Et se rappeler les paroles du Seigneur Jésus, puisqu’Il a Lui-même dit : ‘Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir” (Actes 20 :35,).[2] Jésus enseigne que donner est l’essence de Son Royaume. “Dieu. . . a donné Son Fils unique” (Jean 3 :16), Jésus a donné Sa vie, et tous ceux qui Le suivent sont invités à donner, non à accumuler (Luc 9 :23-25). Après tout, “que personne ne cherche son propre intérêt, mais plutôt celui de l’autre”.(1 Cor. 10 :24).[3] Nous ne sommes pas des preneurs, mais des donateurs.

Quand Paul parle de richesses, il va clairement à contre-courant d’une vision du monde prédominante, passé et présent : “Aux riches de ce monde, ordonne de ne pas être orgueilleux et de ne pas mettre leur espérance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, qui nous donne tout avec abondance pour que nous en jouissions. Ordonne-leur de faire le bien, d’être riches en belles œuvres, de se montrer généreux, prêts à partager”(1 Tim. 6 :17, 18). Arrogance, espoir, bonté, générosité, et partage sont toutes des preuves d’une vision du monde. Paul n’attaque pas le comportement, mais l’état d’esprit qui sous-tend certains comportements.

Une autre perspicacité Chrétienne est : Jésus vient, et nous sommes étrangers sur la terre. Rien ici ne dure éternellement. Ce concept a fait que C. S. Lewis a inventé l’expression "Tout ce qui n’est pas éternel est éternellement périmé,”[4] et ceci change tout. Considérez ceci : À cause du sacrifice de Jésus, les personnes sont les seules dans ce monde à avoir droit à l’éternité, et ainsi, la seule chose valable où investir.

Ellen White l’a exprimé ainsi : “La richesse spirituelle d’une église est étroitement liée à la générosité chrétienne. Les disciples du Christ devraient se réjouir du privilège qu’ils possèdent en révélant par leurs vies la magnanimité de leur Rédempteur. . . . Ceux qui cherchent à garder leurs richesses pour des fins égoïstes courent à leur perte éternelle. Mais qu’ils donnent leurs revenus à Dieu, alors à partir de ce moment-là, leurs biens porteront le sceau divin, celui de l’immutabilité céleste.”[5]

Nous ne devrions avoir aucun doute à ce sujet : l’argent, est une ressource pour servir les autres, pour étendre les mains de Dieu dans ce monde, pour aider les faibles, pour partager, pour faire le bien. Si l’argent est un moyen d’échange, nous devrions l'utiliser pour échanger notre vieux caractère contre le nouveau caractère que Jésus souhaite pour nous. L’argent ne devrait être qu’un moyen de plus pour exprimer qui nous sommes à cause de Jésus.

Alors comment devrions-nous considérer l’argent ?

“Le Seigneur dit : ‘Quel est donc l’intendant fidèle et prudent que le maître établira responsable de ses employés pour leur donner de la nourriture au moment voulu ? Heureux le serviteur que son maître, à son arrivée, trouvera occupé à son travail ’” (Luc 12 :42, 43).

Dieu recherche des économes “fidèles” et “sages”. Des gens qui sont fidèles dans le partage tout en étant sages dans la gestion de Ses ressources. Dieu désire que nous soyons des canaux sages de Sa miséricorde. Des gens qui aspirent à être comme Lui, fidèles lorsque nous Le suivons.

Le Chrétien fidèle considère l’argent comme un moyen de servir et de partager. Sans cette compréhension, on pourrait penser que la prospérité est de gagner, et non de donner.

L’économe sage gère l’argent bien pour que Dieu puisse le multiplier, donnant encore plus à Son “fidèle et bon serviteur” pour que l’on partage avec la famille de Dieu. Un intendant sage aura un budget, comme l’enseigne Jésus (Luc 14 :28-31), et saura comment investir les ressources de Dieu (comme dans la parabole des talents). Un intendant Chrétien ne placera pas la foi dans l’argent, à part celui de Dieu (comme mentionné par Paul), mais placera le royaume d’abord, comme l’enseigna Jésus dans le Sermon sur la Montagne.

La prospérité est requise.

Si les Chrétiens comprennent que les ressources appartiennent à Dieu et sont les moyens de Dieu pour étendre les mains de Jésus aux faibles, s’ils ne sont pas égoïstes, ne devraient-ils pas être bénis par la prospérité ? Ces paroles ne font-elles pas écho à l’appel d’Abraham: “Toutes les nations de la terre seront bénies en ta descendance”? (Gen. 22:18).

La prospérité promise par Dieu est pour être partagée, non amassée. Dieu veut nous bénir, et Il le fera. Mais ce n’est pas un marchandage ; ce n’est pas pour promouvoir l’égoïsme. C’est par souci de de l’éternité qu’Il nous bénira. Le salut est l’objectif le plus élevé de Dieu pour notre vie : “Certains recevront le centuple dans cette vie et la vie éternelle dans le monde à venir. Mais tous ne recevront pas le centuple en cette vie, parce qu’ils ne pourraient le supporter. Si on leur confiait davantage, ils deviendraient des économes infidèles. Le Seigneur les restreint dans leur propre intérêt.”[6]

Le problème n’a jamais été la prospérité ; nous avons été faits pour cela. Le problème a toujours été notre cœur.

Et c’est là où les réalités matérielles et spirituelles se recoupent. Christ nous incite à être des donateurs à travers Son Saint Esprit. C’est pourquoi nous recevrons la prospérité : pour prendre exemple sur Dieu en pratiquant l’amour et la générosité. Nous serons bénis quand nous bénirons les autres. C’est alors que nous devenons des “intendants fidèles et sages.”

Diego Barreto

Citations:

L’argent, est une ressource pour servir les autres, pour étendre les mains de Dieu dans ce monde, pour aider les faibles, pour partager, pour faire le bien.

La prospérité promise par Dieu est pour être partagée, non amassée.

Le problème n’a jamais été la prospérité ; nous avons été faits pour cela. Le problème a toujours été notre cœur.



[1] Patrick J. Welch and Gerry F. Welch, Economics: Theory and Practice (United Kingdom: Wiley, 200), p. 204. “Économies : Théorie et Pratique” (trad libre)

[2] Textes en français de Segond 21

[3] Textes en français de Segond 21

[4] Clive Staples Lewis, The Four Loves (United Kingdom: Harcourt, Brace, 1960), p. 137.Les quatre Amours (trad libre)

[5] Ellen G. White, Conquérants Pacifiques (Mountain View, Calif.: Pacific Press Pub. Assn., 1911), pp. 305.

[6] Ellen G. White, Conseils à l’Économe (Washington, D.C.: Review and Herald Pub. Assn., 1940), p. 246.

Diego Barreto

Diego Barreto, pasteur consacré de l’Église Adventiste du Septième Jour, a un passé d’investisseur professionnel avec une expérience internationale et une certification dans les domaines économiques et de la planification financière.